Chargée de recherches_Centre André Chastel (octobre-décembre 2015).
- enquête thématique régionale, Corpus Vitrearum
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Rivière Philippe (reproduction)Rivière Philippe (reproduction)
Photographe du SRI Limousin 1987-
- (c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel
Dossier non géolocalisé
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Aire d'étude et canton
Limousin - Eymoutiers
Introduction
L’abside en hémicycle de la collégiale d'Augustins récollets, actuellement église paroissiale Saint-Étienne, ajourée de cinq fenêtres très élancées, est flanquée de deux profondes absidioles ouvertes sur de larges collatéraux ; ceux-ci comptent eux-mêmes dix fenêtres de proportions plus réduites, disposées en symétrie mais dont les formes et les dimensions offrent quelques variantes. Quatorze verrières anciennes et les fragments d’une quinzième subsistent dans ce massif oriental, auxquelles s’ajoutent les panneaux de l’oculus qui éclaire le bras nord du transept, le tout constituant la plus importante série de vitraux du Limousin. Cet ensemble, dans lequel dominent les camaïeux de grisaille et de jaune d’argent plus ou moins ponctués de touches de couleur, paraît de prime abord relativement homogène. Son programme formel est constitué de figures en pied, parfois accompagnées des portraits de leurs donateurs. Quelques-uns des tympans hébergent des scènes de petite échelle (notamment le Péché originel, le Jugement dernier, l’Annonciation ou le Couronnement de la Vierge), les autres accueillent des anges, des symboles ou des ornements végétaux. Les représentations des lancettes sont encadrées de niches individuelles qui structurent les hautes baies du rond-point en trois ou quatre registres, en deux ailleurs. Seule la baie 12 présente une singularité notable : les encadrements architecturaux y abritent trois couples de saints et la scène du martyre de saint Sébastien.
Repères historiques
D’après un « journal » rédigé sous Louis XIII et retranscrit en 1691 par Jean Drouilhas, membre du chapitre d’Eymoutiers, la reconstruction du chœur, conduite par le maître maçon de Limoges Jacques Michel, était achevée en 1485, et trois de ses fenêtres, les plus orientales a-t-on supposé, étaient pourvues de leurs vitraux en 1479. Il est toutefois permis de s’interroger sur la valeur de terminus post quem de ce repère, et sur la chronologie générale du chantier : l’opinion généralement admise selon laquelle les travaux ont été menés depuis le chevet jusqu’au côté sud en passant par le flanc nord ne repose en effet sur aucune preuve évidente.
Un jalon pour préciser la date de l’architecture et de son vitrage est fourni par une bulle au sceau du pape Sixte IV datée de septembre 1475, qui fait appel aux aumônes des fidèles pour l’achèvement de l’édifice. Le texte situe le début du chantier en 1451 et loue les libéralités de Louis XI, roi de France depuis 1461. Ainsi s’expliquent les armes royales qui timbrent la clé de voûte de la deuxième travée de chacun des bas-côtés. Une troisième clé, au sud-ouest, à l’aplomb de la baie 14, est ornée d’un dauphin, qu’on hésiterait à associer au futur Charles VIII si les armoiries habituelles de l’héritier de la couronne, écartelées au un et quatre des lys de France, n’étaient discrètement peintes avec celles du roi au sommet des dais architecturaux de l’une des verrières voisines, ce qu’a découvert Alain Sené1. Maçons et peintres verriers sont donc en pleine activité dans le bas-côté sud au moment de la naissance du Dauphin, en juin 1470 ; l’événement, longtemps espéré, a d’ailleurs été salué par de grandes réjouissances à Eymoutiers, ce que rapporte le Père Bonaventure de Saint-Amable. Hormis la contribution financière du roi, la bulle papale de 1475 mentionne d’autre part celle de Jacques duc de Nemours, c’est-à-dire Jacques d’Armagnac, né en 1433, devenu en 1464 neuvième comte de la Marche et quatrième duc de Nemours, pair de France, un des plus grands seigneurs du royaume.
La verrière placée au fond de l’absidiole sud a été offerte par la confrérie locale de saint Psalmet, que désignent des inscriptions. Elle présente un détail jusqu’ici non remarqué, susceptible de fournir un repère chronologique supplémentaire : agenouillés en tête de la dizaine des confrères regroupés au bas du vitrail, sont représentés deux personnages dont les dimensions et le costume expriment la primauté hiérarchique. L’un, à gauche, ne peut être que le roi de France, ce qu’indique la couronne figurée bien en évidence à l’avant-plan, et, dans l’homme placé en vis à vis, il est tentant de reconnaître Jacques d’ArmagnacBaie 6 (registre inférieur) : confrérie de saint Psalmet, donateurs.. L’hommage rendu par la confrérie aux plus illustres bienfaiteurs du monument est somme toute peu surprenant, d’autant qu’elle dut s’enorgueillir de compter dans ses rangs d’aussi éminents « membres d’honneur ». L’identité du comte de la Marche est certes moins assurée mais, s’il s’agit bien de lui, la réalisation de la verrière qui l’associe au souverain précède sans doute sa disgrâce, son arrestation en 1476 suivie son exécution en 1477 pour haute trahison.
Commanditaires et ateliers
Une des verrières du chevet comprend un portrait de Jean I Barthon de Montbas, évêque de Limoges de 1457 à 1484, identifié par ses armoiries demeurées authentiquesBaie 1 (registre supérieur) : Jean I Barthon de Montbas, évêque de Limoges et saint Jean-Baptiste.. Il a été envisagé que cette donation constituait une réponse à une seconde bulle papale émise en faveur des chanoines d’Eymoutiers, adressée à l’évêque en 1477. Or les mêmes armes sont également sculptées sur la clé de voûte de la travée occidentale du chœur, probablement érigée bien avant la mise en œuvre des vitraux de l’abside. Ces marques de l’investissement personnel du prélat, co-titulaire de la seigneurie d’Eymoutiers, laissent imaginer que point n’était besoin d’injonction supérieure pour qu’il s’intéresse à cet important chantier de son diocèse. Jean Barthon a, quoi qu’il en soit, contribué de ses deniers aux verrières de l’hémicycle, les plus en vue dans l’église, et on ne sait si ses largesses se limitèrent à une verrière ou s’étendirent aux trois baies centrales hautes de plus de dix mètres. Celles qui les entourent (baies 3 et 4), que les retombées des voûtes rendent presque invisibles depuis l’extérieur du sanctuaire, sont en revanche dues à la générosité de particuliers, dont les effigies subsistent dans les panneaux inférieurs. Un même atelier a pourtant vitré les cinq fenêtres, quoique l’économie des deux compositions latérales, elles-mêmes asymétriques - les figures de la baie 3 étant plus courtes d’un demi panneau que celles de la baie 4 -, diffère quelque peu de celle adoptée au centre.
La commande de l’évêque de Limoges s’est naturellement adressée à un peintre verrier digne de son rang, capable de produire des œuvres de bonne qualité. En témoigne l’élégance de la majorité des cartons qu’on devine derrière ces vitraux aussi bien que le raffinement de leur exécution, qu’illustre par exemple le traitement des damas : ceux des tentures, peints à l’aide d’une grisaille bien noire en face interne, contrastent avec les larges motifs appliqués en léger lavis au revers des vêtements, comme dans les verrières strasbourgeoises datées de 1461 conservées à Walbourg. Peints dans des attitudes volontairement variées, les personnages à l’expression grave et sereine ont les traits modelés de hachures plus ou moins marquées, précises et posées sans système, sur des verres blancs ou pourpre clair. Les verres employés comprennent une grande variété de teintes, parmi lesquelles des tons rompus obtenus à partir du plaquage de plusieurs couleurs (leur nature transparaît parfois du fait de leurs altérations, comme dans le groupe des donateurs de la baie 4)Baie 4 (registre inférieur) : donateurs, membres d'une confrérie de Sainte-Anne (?).. À la riche palette dont sont tirés les nimbes et les différentes étoffes s’ajoute la polychromie partielle des édicules, qui confère à tout ce groupe une tonalité nettement plus haute que celle des verrières placées dans les collatéraux. À l’examen rapproché, exception faite de la baie 12, celles-ci sont d’un niveau artistique moindre : les nobles figures qui occupent cinq fenêtres de l’abside contrastent avec l’art populaire, certes non sans saveur, qui caractérise la plupart des autres compositions, d’aspect plus archaïque et d’exécution plus sommaire, sur des verres d’une gamme beaucoup plus limitée. Plutôt que le signe d’un décalage chronologique, il faut voir dans ces disparités une conséquence du choix que les divers commanditaires ont fait de leurs fournisseurs, en fonction du prix qu’ils étaient prêts à payer : ceux qui ont travaillé au vitrage de l’édifice pourraient avoir agi plus ou moins simultanément.
Les dons privés semblent avoir afflué au profit du décor de la collégiale, même si ce qui en attestait nous parvient endommagé. Dans les panneaux inférieurs de quelques verrières, davantage exposés que ceux placés en hauteur, ont survécu des silhouettes de donateurs, parmi lesquels des dames coiffées de hennins, l’atour de tête dont la mode passe avant 14802. Mais les armoiries qui leurs sont adjointes sont, sauf en deux endroits, modernes et restituées sans fiabilité ; il est par conséquent difficile de suivre ceux qui ont voulu reconnaître certaines familles limousines, les Ruben, Disnematin de Salles, etc.3 À propos du chevalier agenouillé au registre inférieur de la baie 3 a été prononcé le nom de Pierre d’Aubusson, Grand Maître de l’ordre des Hospitaliers en 1476 – il s’agirait d’ailleurs en ce cas, au vu de l’épouse qui lui fait face, plus sûrement de son frère aîné Antoine, jadis représenté dans la verrière qu’il avait offerte à l’église du Monteil-au-Vicomte en 1475. Or, si la cotte armoriée - demeurée ancienne - du donateur de la verrière d’Eymoutiers est bien « d’or à la croix ancrée », le meuble est d’argent surchargé d’une étoile, et non de gueules comme dans l’écu des AubussonBaie 3 (registre inférieur) : donateurs agenouillés.. En revanche, bien que toute trace en soit perdue, on peut supposer que la branche locale des seigneurs de Comborn avait fait les frais de l’une des verrières. Résidant au château d’Enval près du bourg, Guichard de Comborn avait fondé une chapelle dans la collégiale ; il y fut inhumé en 1452, comme un peu plus tard son fils homonyme et Jeanne de Salagnac, première femme de son autre fils Louis, lequel testa en 1478 en y élisant aussi sa sépulture4. Ce n’est évidemment pas un hasard si les armoiries de cette famille, de gueules à deux léopards d’or passants, figurent à la clé de voûte de la travée qu’éclaire la baie 13 dans le bas-côté nord ; peut-être signalent-elles l’emplacement qu’occupait cette chapelle seigneuriale. Entre les têtes de lancettes de la baie 14, enfin, s’est conservé l’écu des Romanet, riches bourgeois d’Eymoutiers ; s’il ne renvoie à Léonard, nommé prévôt du chapitre en 1483 et, d’après une inscription tumulaire, fondateur de deux chapellenies en 15005, il rappelle le don d’un de ses parents.
Chronologie des vitraux
En l’état actuel des données, la réalisation des vitraux de la nouvelle œuvre paraît pour l’essentiel avoir été conduite entre 1470 - voire un peu plus tôt puisque le chantier était alors ouvert depuis près de vingt ans - et 1480. Rien n’assure que les trois verrières dites réalisées avant 1479, si l’on en croit Jean Drouilhas, étaient les seules déjà posées dans l’édifice ; la mention pouvait s’appliquer au rond-point, dont le vitrage a dû être complété peu après. Les verrières du flanc nord 5, 7, 9 et 11, quelque peu disparates mais qui présentent tant d’archaïsmes, seraient les premières mises en place, peut-être avant 1470. Sans doute ont-elles été suivies par trois de celles qui leur font pendant au sud, les baies 6, 8 et 10 - celle-ci célébrant à sa manière la naissance de l’héritier de Louis XI -, achevées avant 1475 si Jacques d’Armagnac peut être reconnu auprès du roi aux pieds de saint Psalmet. Ces dernières, de facture homogène, n’offrant guère de points communs avec les œuvres du bas-côté nord, paraissent sortir d’un autre atelier. Pour résumer ces propositions, avec le concours de trois ateliers au moins, vers 1480, le nouveau chœur était pourvu de douze verrières, voire une de plus si, comme c’est probable, la baie 13, de longue date détruite, était contemporaine de ses voisines.
Seules ont été réalisées en décalage avec la campagne principale deux verrières d’une toute autre venue, que leurs encadrements architecturaux à la modénature encore flamboyante empêchent toutefois de trop rajeunir. L’une, la dernière du bas-côté sud près du transept (baie 14), de style passablement naïf, est le don du chanoine Léonard Romanet ou d’un membre de sa famille. La seconde, en baie 12, sans rapport avec la précédente et, rappelons-le, la seule à déroger au parti formel de l’ensemble, se distingue par un style suave et une préciosité de dessin qui renvoie à nombre d’œuvres d’art produites à Tours et à Bourges pendant le règne de Charles VIII, statues et enluminuresVue générale de la baie 12.. Les deux verrières paraissent dater des années 1490 à 1500, bien qu’elles ferment des travées alors bâties depuis plus de quinze ans.
Des verrières supposées plus anciennes
De la dernière décennie du 15e siècle peuvent également s’accommoder des éléments souvent pris par les historiens pour des restes de vitraux antérieurs à la reconstruction du chœur. La Vierge fort complétée d’une Annonciation de grandes dimensions, remployée depuis 1872 en baie 13 après avoir servi de bouche-trou en baie 5, passait récemment encore pour un vestige d’une verrière exécutée avant 1400. L’archange qui devait provenir de la même composition, autrefois interpolé au registre supérieur de la baie d’axe, a disparu en 1883, remplacé par une figure moderne de saint Joseph. Les rares morceaux anciens que contient la baie 13 - la colombe du Saint-Esprit et des fragments de drapés, de chevelure et de damas - prouvent cependant que l’œuvre dont ils sont originaires datait au plus tôt de la fin du 15e siècle. Peut-être faut-il envisager que les vitraux réalisés pour les chapelles ajoutées à la nef (vers 1500 ?) ont par la suite fourni des morceaux propres à remplir des lacunes dans le reste de l’édifice. Alain Sené a également proposé de dater du dernier tiers du 14e siècle le Calvaire de la rose du bras nord, accompagné d’un écu bicolore qu’il reconnaît comme celui de la famille de CandolleBaie 101 (oculus) : le Calvaire.. Mais la représentation, à la peinture nette et aux drapés très creusés, est manifestement postérieure aux années 1480. Avant 1846, si l’on se réfère à la description de l’abbé Texier, aurait-elle été remployée à cet emplacement ? C’est ce que pourraient laisser penser les pièces authentiques de l’œuvre, strictement comprises à l’intérieur d’un rectangle, adaptées après coup à la forme de l’oculus par le prolongement du fond damassé blanc et l’ajout d’une arcature doublée d’une bordure. Si elle a néanmoins gardé sa place d’origine (aucune lancette de l’édifice n’atteint en effet les quelque 80 cm de largeur nécessaires pour la recevoir), cette Crucifixion n’a été exécutée qu’après l’achèvement du massif oriental.
On assignait encore, peut-être à juste titre, une date voisine de 1370 à un écu armorié disparu, provenant de l’oculus de l’hexalobe central de la rose méridionale du transept ; il présentait les armes de Roffignac, d’or à trois lions passants de gueules, armés et lampassés de sable, peut-être celles de Guillaume, prévôt du chapitre signalé en 1369. Ce panneau, passé avant le milieu du 19e siècle dans la collection de Maurice Ardant à Limoges, comprenait des verres gravés – les meubles héraldiques rouges en réserve sur le fond blanc, dégagés par abrasion et repris au jaune d’argent -, d’après l’abbé Texier, qui l’avait eu entre les mains (Appendice, 1847, p. 20). Les observations techniques de l’érudit et l’aspect de l’architecture du bras sud ne contredisant pas l’hypothèse, le seul vitrail antérieur aux grands travaux menés au 15e siècle était sans doute celui-ci.
L’iconographie
Alain Sené a dénombré dans ces vitraux plus de cent cinquante figures. On relève parmi elles la présence attendue de saint Psalmet : dans la verrière de sa chapelle située au fond de l’absidiole sud est représenté, malgré la contrainte du cadre étroit de la niche, l’épisode de sa jeunesse où il franchit miraculeusement les mers debout sur un îlot détaché de sa terre nataleBaie 6 (registre supérieur) : Vierge à l'Enfant et saint Psalmet.. L’abbé Texier6 évoque sans grandes précisions un autre vitrail d’Eymoutiers aux trois-quarts disparu de son temps, consacré à quatre scènes de la légende de l’ermite, reproduisant celles d’une petite châsse qu’il supposait provenir de l’édifice. Figurent aussi en bonne place dans la collégiale les héros les plus populaires de l’hagiographie régionale, saint Léonard de Noblat en baie 3 et, au tympan de la baie 11, sainte Valérie apportant sa tête tranchée à saint Martial, ce dernier encore représenté en pied en baie 8 ; d’après Jacques Texier, la sainte munie de la palme du martyre occupait dans la même verrière un autre compartiment, maintenant restitué. Des inscriptions originales nomment encore dans la baie 11 saint Eutrope, évêque de Saintes au 3e siècle, et l’ermite saint Amand de Limoges. Mais nombre des représentations de saints évêques ne sont pas dotées d’attributs qui permettraient d’assurer leur identité et, dans ce vaste ensemble, les saints régionaux paraissent n’avoir occupé qu’une place assez restreinte.
La plupart de ceux choisis par les donateurs ou par le chapitre, en général bien caractérisés, appartiennent au « panthéon » universel (sainte Catherine et saint Michel, protecteurs favoris de la France de Louis XI, ainsi que les apôtres, saint Jean-Baptiste, saint Antoine, saint Laurent, saint Christophe, saint Sébastien, saint Louis, sainte Madeleine ou sainte Marguerite), certains se retrouvant plusieurs fois comme saint Étienne, le patron de la collégiale. En plus des reliques de ce dernier et de celles de saint Psalmet, le chapitre possédait depuis le Moyen Âge une mamelle de sainte Anne auparavant conservée à Sainte-Anne-Saint-Priest, que l’historien du 17e siècle Pierre de Saint-Brunon tenait pour la plus insigne du lieu7. Nul doute qu’on doive y associer les deux représentations de la sainte, au registre supérieur de la baie 4 auprès de la Vierge-mère, et en baie 9 sous la forme d’Anne trinitaire, thème promu dans la seconde moitié du 15e siècle, lorsque l’iconographie mariale prend un développement particulierBaie 9 (registre inférieur) : sainte Anne trinitaire et sainte Madeleine.. À côté de celle de saint Psalmet, une confrérie tout spécialement dévouée au culte de la mère de Marie avait-elle son siège dans l’église ? C’est en tous cas ce qu’évoque le groupe devenu confus des douze donateurs de la baie 4, prêtres d’un côté et laïcs de l’autre, hommes et femmes représentés sans les codes familiaux habituels. La Vierge elle-même, première patronne de l’église, est honorée de manière récurrente dans le vitrage, les petites scènes de plusieurs tympans s’ajoutant à des figures en pied et à l’Annonciation qui occupe les lancettes de la baie 14. L’iconographie christique apparaît plus limitée : elle se résume au Jugement dernier placé dans deux tympans dont celui de la baie d’axe, et à une Crucifixion dans un autre, si l’on excepte le Calvaire de l’oculus septentrional et deux Christ aux liens conservés hors contexte au sommet des baies 4 et 13. Y suppléent des évocations symboliques, la Sainte Face du voile de sainte Véronique, l’Agneau avec la bannière de résurrection, ou le chiffre IHS, le trigramme de saint Bernardin qui connaît une large diffusion après 1444.
Les altérations qu’ont subi les verrières empêchent toutefois de définir précisément ce que fut leur programme primitif. On ne saurait d’ailleurs s’essayer à en retracer l’organisation sans tenir compte des pertes intervenues au fil du temps, et des restaurations successives qui ont pu modifier l’ordre des panneaux ou les parer d’adjonctions diverses. Du fait des campagnes pratiquées au 19e siècle par exemple, sainte Valérie se voit gratifiée d’une image supplémentaire par l’inscription ajoutée aux pieds d’un jeune saint figuré en baie 11 ; la dévotion nouvelle à saint Joseph en a fait insérer des représentations dans les baies 0 et 5, et un prétendu saint Louis, en baie 7, bien différent de celui de la baie 3, a été fabriqué à partir du panneau inférieur d’une figure bourgeoisement vêtue, qui était plus certainement celle d’un docteur.
Les restaurations
L’abbé Texier s’intéressa très tôt aux vitraux d’Eymoutiers, ayant combattu dès 1840 le projet d’aménagement d’une sacristie qui eût endommagé ceux du chevet8. Les minutieuses descriptions accompagnées de schémas qu’il livre en 1846 donnent en premier lieu quelques informations sur les remaniements du vitrage opérés au cours des siècles précédents. Dans la suite des restaurations qui n’ont pas manqué de se succéder depuis l’origine, outre des réparations signalées en 1737, une intervention plus tardive dans le même siècle avait « détouré » certaines figures afin de laisser pénétrer plus de lumière dans le chœur ; l’érudit mentionne ça et là les niches architecturales sacrifiées, remplacées par du verre blanc, qui justifient la grande proportion des dais refaits ultérieurement. Il juge « évidemment déplacé » le portrait de l’évêque Jean Barthon qui occupe, en effet de manière insolite, le haut des lancettes de la baie 1. La remarque est d’importance : on peut en déduire que la verrière avait été recomposée, peut-être à l’occasion de la campagne d’éclaircissement du 18e siècle. Dans l’agencement primitif, le donateur et son saint patron se trouvaient plus certainement au registre inférieur de la fenêtre, si ce n’est au bas de la baie d’axe. Les figures conservées dans les baies centrales du chevet nous seraient donc parvenues redistribuées, la lecture de leur programme se trouvant brouillée. De là, il convient de s’interroger sur la répartition des différents saints dans le dispositif premier. Saint Étienne, patron de l’édifice, se trouvait-il - comme il serait logique - à côté de la Vierge à l’Enfant au sommet de la baie axiale ? Leur image est du reste sculptée sur les deux premières clés de voûtes depuis l’est. L’érudit observe encore des panneaux interpolés qui portent témoignage d’anciennes campagnes d’entretien, ceux de certains tympans, ou les protagonistes de l’Annonciation démembrée venus compléter deux verrières. Bouche-trous internes au vitrage du monument ou panneaux importés par un vitrier qui les a prélevés ailleurs, il est souvent difficile de le dire, quoique certains plaident pour le remploi d’éléments de vitraux supprimés dans l’église elle-même. C’est notamment le cas du Christ de pitié du sommet de la baie 13, que sa facture relie de manière évidente au Calvaire placé dans la rose nord.
Les notes de l’abbé Texier documentent d’autre part utilement l’état du vitrage avant que les modifications introduites à partir du dernier tiers du 19e siècle ne lui donnent son aspect actuel. Les premières, entre 1870 et 1872, sont liées à l’action du curé-doyen Jean-Pierre Maury qui, fort actif pour la mise en valeur de son église, suscite les donations et fait appel à Lucien-Léopold Lobin. L’atelier tourangeau procède à la réfection de la baie 13, de longue date close de verre blanc, y restituant une Annonciation à partir des vestiges signalés plus haut. Son intervention pourrait s’être étendue à la baie 5, qu’il dut dégarnir pour composer la nouvelle verrière, et à la baie 7, dans laquelle se voit le monogramme du prêtre. Lobin crée aussi plusieurs verrières pour le transept et la nef. Ainsi lui doit-on, à la face orientale du bras sud, la grisaille néo-gothique ornée d’un médaillon représentant saint Psalmet avec le loup qu’il avait asservi, et, sans doute, les ornements de la rose méridionale. Dans les chapelles, portent sa signature les saints Louis et Léonard placés en baie 16 (1872), et du côté opposé, la stigmatisation de saint François datée de 1870 (baie 17), ainsi que la représentation d’un ange muni d’un phylactère (baie 15), dont le buste, dit ancien par l’architecte Darcy dans son devis de 1916, paraît pourtant bien moderne.
Dix ans avant leur classement parmi les Monuments historiques, les verrières anciennes font l’objet d’une campagne de restauration plus méthodique. Elle est confiée en 1883-1884 à l’atelier Champigneulle de Bar-le-Duc, dont Maréchal de Metz, qui l’avait fondé un demi-siècle plus tôt, n’est alors plus qu’un employé. Du travail très habile de ces peintres verriers résulte l’essentiel des compléments modernes, panneaux architecturaux ainsi que quelques figures venues compléter les lacunes. Est-ce à cette époque qu’a été mis en place dans l’ajour supérieur de la baie 4 un Christ aux liens du 17e siècle, que l’abbé Texier n’y a pas décrit ? Ce panneau circulaire, qui ne se rattache à rien de connu localement, peut n’avoir appartenu ni à l’édifice, ni même à la régionBaie 4 (tympan) : Christ aux liens..
Suite à un devis établi en 1911 par l’architecte Lucien Roy, une nouvelle restauration, autorisée en 1914, débute en 1916. Les travaux, dus à Francis Chigot, concernent alors la rose nord et les baies 2, 4, 8, 10, 12 et 14. Effectués en partie sur échafaudage, ils n’ont introduit que des changements de détail, hormis les compléments des lancettes de la baie 10. La campagne n’a pu être poursuivie à la fin de la Première Guerre mondiale comme il était prévu. En 1931, le peintre verrier de Limoges sollicite en effet d’intervenir sur les verrières 0, 1 et 3 du chœur et sur les baies 5, 7, 9 et 11 du côté nord, ce qu’il obtient l’année suivante, comme en fait état le Bulletin paroissial d’Eymoutiers. Il répare à nouveau entre 1947 et 1948 ceux des vitraux qui, laissés en place pendant les hostilités, avaient souffert de la destruction des voies ferrées du bourg en 1944. Des photographies des verrières antérieures à l’opération assurent du peu d’étendue des dégâts. Francis Chigot signe enfin en 1949 avec son fils Pierre, à l’entrée de la nef du côté sud, une Remise des clés à saint Pierre, pour remplacer une verrière de Lobin détruite. Une nouvelle campagne générale, visant à remédier aux altérations des verres, a débuté en 1979 sous la direction de l’architecte Gabor Mester de Parajd dans l’Atelier du Vitrail de Limoges, qui y a travaillé jusqu’en 1988, les travaux étant menés depuis la rose et le bas-côté nord jusqu’au bas-côté sud en passant par le chevet. Les phénomènes de corrosion s’étant depuis gravement accentués, tout spécialement dans les verrières septentrionales, plusieurs panneaux-test ont été déposés en 2004 au Laboratoire de recherche sur les monuments historiques afin de définir le protocole de protection qui pourrait enrayer ce processus.
- (c) Région Limousin, service de l'Inventaire et du Patrimoine culturel
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Documents d'archives
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Archives départementales de la Haute-Vienne. Fonds Tixier ; 8 F 55 ; 8 F 7. Extraits tirés de certains mémoires en forme de Journal de Messire Jean Drouiilhas...., [s.d.].
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Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine : 94/14/12. Notes. Jean Lafond, 1934-vers 1950 ?.
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AP Atelier du Vitrail, Limoges. Dossiers de restauration, 1932, 1949, 1979.
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Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine. Eymoutiers, rapport de synthèse. Gabor Mester de Parajd, 1990.
Bibliographie
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Dictionnaire des églises de France, Belgique, Luxembourg, Suisse : Centre et Sud-Est, volume II B. Paris : Robert Laffont, 1966. 608 p. ; Ill. en noir et en coul. ; 28 cm.
p. 61-62 -
Eymoutiers, église, relevés. Archives de la commission des Monuments historiques publiées par Anatole de Baudot. Paris : H. Laurens et Ch. Schmid, tome IV, [s.d.] (vers 1900).
p. 23 ; p. 100, pl. 74 -
CASSAGNES-BROUQUET, Sophie. Louis XI ou le mécénat bien tempéré. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2007. 270 p. ; 25 cm.
p. 69 -
CHABRELY, Colette. Eymoutiers, Haute-Vienne, collégiale Saint-Étienne, les verrières. Limoges : Association Culture et Patrimoine en Limousin, 1995. (Itinéraires du patrimoine ; n°82). 16 p. ; 23 cm. ISBN 2-9507521-7-9.
-
GATOUILLAT, Françoise, HEROLD, Michel ; collab. BOULANGER, Karine, LUNEAU, Jean-François. Les vitraux d'Auvergne et du Limousin : Corpus Vitrearum, France, recensement IX. INVENTAIRE GENERAL DU PATRIMOINE CULTUREL. CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Presses universitaires de Rennes, 2011. 327 p. : ill. ; 32 cm.
p. 253-265 ; fig. 168, 173, 176 à 178, 180, 193, 222 à 240 -
FRANCE. Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Commission régionale Limousin. Légende dorée du Limousin : les saints de la Haute-Vienne. Limoges : culture et patrimoine en Limousin, 1993. (Cahiers du patrimoine ; n°36). 259 p. ; 27 cm. ISBN 2-9507521-1-X (br.).
p. 155-158 ; 166-168 -
LAFOND, Jean. De 1380 à 1500. In Le vitrail français. Paris : impression 2 mondes, 1958, p. 195.
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SAINT-AMABLE, Bonaventure de. Histoire de saint Martial apôtre des Gaules et notamment de l'Aquitaine et du Limousin, ou la défense de son apostolat... divisé en douze livres. Clermont : impr. de N. Jacquard, 1676-1685.
p. 199-200 ; 721 -
TEXIER, Hubert. Correspondance du comte de Montalembert et de l'abbé Texier. Paris : Firmin-Didot, 1899. In-18, XI-387 p., portr.
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ZIMMER, Thierry (sous la dir. de). Champs du patrimoine 1945-1995. Objets mobiliers en Limousin, 50 ans de travaux. Limoges : Ministère de la Culture, DRAC Limousin, 2000. 290 p. : ill ; 30 cm.
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Périodiques
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p. 86, 221-230
Ingénieur de recherche au Centre André Chastel.
Chargée de recherches_Centre André Chastel (octobre-décembre 2015).
Collégiale d'Augustins récollets actuellement église paroissiale Saint-Étienne
Adresse : place du Chapitre
Ingénieur de recherche au Centre André Chastel.