Genèse d'un projet impérial
Dès l'an XII (1804), un décret napoléonien recommandait la construction à Eaux-Bonnes d'un édifice destiné à l'accueil des curistes (la future Maison du Gouvernement) et d'un établissement affecté au logement de soldats en convalescence. Aussi un projet de construction d'hospice militaire fut-il soumis à adjudication en 1810 par le préfet de Vanssay, successeur de Castellane. Le chantier exécuté par l'entrepreneur Puyot sous la direction de l'architecte départemental Jean Latapie débuta donc en 1811, mais il fut suspendu l'année suivante au motif que les sources d'Eaux-Bonnes étaient considérées comme trop "peu abondantes".
Les plus importantes stations thermales connaissant leur essor au 19e siècle étaient systématiquement dotées d'établissements sanitaires, mais seules quelques privilégiées, en l'occurrence Amélie-les-Bains, Barèges, Digne, Bourbonne-les-Bains, Vichy et Saint-Amand-les-Eaux, possédaient leur hôpital militaire. C'est sans doute afin de hisser Eaux-Bonnes, qu'elle affectionnait particulièrement, au rang de ces rivales imposantes que l'impératrice Eugénie, en visite en 1861, émit la volonté d'y construire ce type d'équipement à la fois utile pour la nation et pour la station. En l'honneur de son illustre commanditaire, l'édifice se voit baptiser originellement de son nom, Sainte-Eugénie.
Exécution d'un projet à vocation humaniste et politique (1862-1871)
Le chantier est rapidement engagé afin d'exécuter les volontés de l'impératrice, puisque, dès janvier 1862, le cahier des charges et l'appel au concours sont diffusés et validés pour le préfet par son secrétaire général, d'Étigny. Seulement cinq mois plus tard, les maîtres d’œuvre effectuent déjà un métré des travaux réalisés. La conception du bâtiment est confiée à l'architecte départemental Gustave Lévy, qui intervient régulièrement à Eaux-Bonnes où il conçoit notamment le pavillon de la Source Froide et l'église néogothique. L'exécution du chantier, pour un montant d'environ 127.000 francs dans un premier temps, revient à l'entrepreneur Charles Courrèges, propriétaire de plusieurs pensions de voyageurs à Eaux-Bonnes et domicilié à Sévignacq. Il est placé sous la surveillance et la direction de Jacques Turon, conducteur des travaux de la ville. Les archives communales conservent de ce chantier un dossier très précis compilant les projets architecturaux et plusieurs mémoires. L'impératrice procéda à la pose de la première pierre en 1862 lors d'une cérémonie en grandes pompes, qui fut l'occasion de fêtes prestigieuses au sein de la station thermale.
Selon le cahier des charges, l'édifice est initialement destiné à accueillir les malades des deux sexes durant la saison thermale, dont la répartition est la suivante : 15 lits pour les militaires, 15 lits pour les hommes civils et 30 lits pour les femmes. La volonté de l'impératrice d’œuvrer pour le sexe féminin s'exprime dans la parité observée concernant les conditions d'accueil. Ce sont par ailleurs des surveillantes et des sœurs de la Charité qui doivent assurer les soins et la tenue de l'établissement. Ce choix est loin d'être anodin car, au-delà d'afficher une volonté de bienfaisance en ces temps de préoccupations hygiénistes, il affirme aussi un parti clérical et politique faisant suite aux perturbations politiques occasionnées par la campagne d'Italie menée par Napoléon III en 1859 - et le fameux épisode de l'entrée de son armée dans les États pontificaux.
Comme dans le chantier voisin et concomitant de l'église, quelques affaires ternissent le chantier, notamment celle opposant la commune à l'entrepreneur Courrèges qui, ayant achevé son intervention en 1864, réclame encore auprès du préfet sa rétribution sept ans plus tard. Ce n'est finalement que le 12 novembre 1871, après avoir assigné la commune au tribunal, qu'il reçoit un paiement de 42.000 francs, somme qui ne couvre pas l'ensemble de ses frais pour les travaux effectués.
Pa ailleurs, la commune, qui avait cherché à satisfaire l'impératrice, prit rapidement conscience de la charge considérable que représentait cette nouvelle construction. Les travaux sont indiqués comme achevés dans la matrice cadastrale pour l'année 1864, mais cela ne concerne en réalité que le gros-œuvre qui se trouve à un stade avancé de travaux. Dès 1866, la commune propose de faire donation de l'édifice en faveur de l’État. Le 15 septembre 1866, elle reçoit la décision du préfet, du ministre de la Guerre et du Conseil de Santé qui refusent l'offre de donation parce qu'ils estiment que les traitements prodigués à Eaux-Bonnes n'apportent aucune plus-value par rapport à ceux pratiqués dans l'établissement militaire existant d'Amélie-les-Bains. Les autorités veulent éviter un doublon au sein de leur parc sanitaire et les charges financières, matérielles et humaines que cela induirait.
Le chantier prend fin officiellement le 3 décembre 1871, date à laquelle Jacques Turon dresse le procès-verbal de la réception définitive des travaux. Parmi les divers éléments mobiliers et sanitaires équipant l'édifice, quatre vasques de gargarismes -désormais disparues- portant l'inscription "Asile Sainte-Eugénie" furent dessinées par Pierre Gabarret en 1873.
Exploitation et devenir de l'édifice
L'hospice voulu par l'impératrice Eugénie est donc achevé après la chute du Second Empire, sous la Troisième République, et n'endossa que très peu de temps les fonctions qui lui étaient assignées. Son importante superficie conduit à des changements de fonction fréquents tout au long de ses 150 ans d'existence. Il ne semble accueillir des indigents que durant une période relativement réduite. Dès le milieu des années 1870, les documents iconographiques et manuscrits le désignent - au moins partiellement - comme écoles communales pour filles et garçons dirigée par Mme Conte, l'ancienne institutrice de Gabas. A cette époque, l'hospice accueille aussi les locaux de l'hôtel de ville, avant qu'ils ne rejoignent la Maison du Gouvernement en 1885, qui, en attendant l'achèvement du casino, abritait un cercle de jeux provisoire. Durant cette même époque, le pavillon méridional de l'hospice est aménagé pour accueillir le Musée Gaston-Sacaze, plus tard transféré à la Maison du Gouvernement entre 1885 et les premières années du 20e siècle.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'édifice ainsi que le temple et le presbytère protestant tout proches sont acquis par l'Association sportive des PTT qui en fait un village-vacances et le renomme Relais d'Ossau. C'est ce comité d'entreprise, populaire et productif durant les Trente Glorieuses, qui aménage le golf miniature situé sur la colline au sud du bâtiment. Il construit dans le même temps une vaste annexe à l'arrière, à flanc de montagne et sous la promenade de l'Impératrice, afin d'y installer des locaux techniques et des salles de loisirs supplémentaires. L'AS PTT engage en outre la démolition du temple protestant et de son presbytère, alors dans un état déplorable, et fait bâtir à leur emplacement un parking sur deux niveaux pour d'évidentes questions utilitaires. Dans les années 1970, les loggias de l'étage sont fermées et aménagées en galeries intérieures tandis que les combles sont rehaussés afin d'accroître la capacité d'accueil en créant de nouvelles habitations individuelles. Des réaménagements intérieurs interviennent dans les années 1980 afin d'adapter le bâtiment aux évolutions du mode de vie contemporain.
Au début des années 2000, il est acquis par un promoteur qui en fait une copropriété et le revend sous forme de petits lots destinés à devenir des appartements de vacances pour personnes du troisième âge. Suite à l'échec de l'opération, le bâtiment, désaffecté, fait l'objet de pillages et d'occupations clandestines.
Architecte départemental des Basses-Pyrénées, en poste entre 1856 et 1879. Il travailla notamment pour les églises de : Garlin (reconstruction, 1856-1864), Rontignon (achèvement, 1857-1861), Arzacq (construction, 1857-1868), Eaux-Bonnes (temple protestant, thermes, mairie, écoles..., 1857-1861), Aubertin (construction, 1859-1867), Bougarber (clocher, 1861-1868), Bilhères (agrandissement, 1863-1867), Eaux-Bonnes (église, 1862-1869), Saint-Palais (deux projets de construction refusés, 1863 et 1864), Lamayou (construction, 1864-1876), Maucor (reconstruction, avant 1867), Beuste (construction, 1864-1869), Bordes (construction, 1864 puis 1872-1885), Saint-Faust (construction, 1866-1867), Arbus (reconstruction, 1867-1868), Portet (reconstruction, 1867-1870), Abère (projet de reconstruction non exécuté, 1868), Ponsons-Dessus (construction, vers 1868), Saint-Vincent (projet de construction d'un clocher, non exécuté, 1868), Soumoulou (projet de construction non exécuté, 1870), Boeil-Bezing (reconstruction, 1871), Arrien (projet de reconstruction non exécuté, 1872), Esquiule (reconstruction, 1874-1879).
Plusieurs travaux et équipements importants lui sont attribués à Pau : réaménagement de l'ancien asile d'aliénés départemental et construction d'un nouveau (Saint-Luc, 1865-68) ; hôtel de ville-théâtre (1862) ; prison départementale (1863) ; Grand Hôtel (1862)...