Les embryons de l'établissement thermal (17e siècle-1828)
Le développement de la station d'Eaux-Bonnes est étroitement lié à la nature des aménagements destinés à l'exploitation de ses eaux curatives. Ses sources sont connues depuis le 12e siècle et fréquentées régulièrement depuis au moins la Renaissance où elles sont considérées comme "eaux d'arquebusades". Jusqu'à la première décennie du 19e siècle, la Source Vieille, principale résurgence exploitée, fait l'objet d'aménagements rudimentaires et provisoires sous forme de quatre cabanes en bois. Suite au décret napoléonien de l'an XII (1804), qui encourage la construction de deux bâtisses respectivement dédiées à l'accueil des curistes et des militaires, la commune envisage l'édification d'un établissement thermal plus confortable. Un premier projet est alors édifié en 1828 par l'ingénieur Cailloux.
Les premiers thermes durables et l'essor de la station
La reconstruction de l'établissement originel, sur un projet de l'architecte départemental Vincent Latapie qui intervient également aux Eaux-Chaudes, est amorcée en 1837, mais le chantier est retardé en raison des intempéries. Au bâtiment néoclassique de Latapie, est adjoint un "vaux-hall" et la première chapelle.
A compter de 1840, un nouveau médecin thermal, Jean-Baptiste Darralde, exerce son activité dans la station qui lui doit une prospérité fulgurante. Un notable local, le dénommé Taverne, bâtisseur notamment de l'hôtel de France, nommé cette année-là fermier des sources d'Eaux-Bonnes, est démis de sa fonction pour n'avoir pas rempli tous ses engagements, en particulier la destruction du vaux-hall pour aménager un espace de promenade. La maîtrise d'ouvrage du chantier est confiée à l'un de ses rivaux, M. Tourné, adjoint au maire et propriétaire d'une importante pension de voyageurs située en face des thermes, qui est alors nommé régisseur des travaux sous la direction de Latapie. Dès sa nomination en tant que régisseur, Tourné insiste d'ailleurs auprès de la commune afin de verser une indemnité de 2.000 francs aux entrepreneurs Pehourcq et Casassus en raison des pertes causées par les intempéries trois ans plus tôt.
En 1849 est effectuée la démolition des baraques en planches, construites quelques années auparavant à titre provisoire par les dénommés Raymont Incamps, Joseph Balous, Jean Loumiet, M. Touch Lapoudre, Martin Grousset et Jean Lopital Percale près de l'établissement thermal sur une parcelle communale, en raison de leur mauvais aspect et de l'entrave à la circulation qu'elles pouvaient occasionner. L'autorité locale souhaite en effet mettre à profit ce terrain à des fins plus appropriées aux besoins des curistes.
Extensions et remaniements sous le Second Empire et la Troisième République : l'âge d'or de l'établissement thermal
Le succès de l'établissement est également dû à l'attachement que lui porte l'impératrice Eugénie, qui s'y rend en cure en 1855 et en 1860, moment où elle commande la construction de l'hospice militaire (futur Hospice Sainte-Eugénie). Face au succès de l'exploitation thermale, la commune d'Aas, propriétaire du site d'Eaux-Bonnes jusqu'en 1861, engage des agrandissements en 1848 et 1855 sous la direction de l'architecte départemental Gustave Lévy afin d'absorber la patientèle supplémentaire. Ces extensions se développent sur l'aile gauche de l'établissement néoclassique.
En 1871, des travaux d'entretien sont entrepris afin de réparer, entre autres, les toitures en très mauvais état et de remplacer certaines vasques et des baignoires. Deux ans plus tard, l'architecte départemental Pierre Gabarret réalise, dans cette optique, un projet de mobilier thermal - vasque et baignoire. L'exécution en est confiée au marbrier local, Jean-Pierre Battault en août 1873 après la destruction des exemplaires originels par le maçon Esturonne. Six ans plus tard, les travaux de rénovation des installations sanitaires, notamment l'aménagement d'une salle de gargarisme annoncée dans les journaux, se poursuivent, toujours sous la direction de Gabarret. Cette fois, c'est le carrier Jacques Laplace, établi à Arudy, qui en obtient la maîtrise d’œuvre. Il réalise ainsi les cabinets de bains, les lieux d'aisance, les vasques de la salle des gargarismes, le portique, les carrelages - dans le couloir des bains, le vestibule, les cabinets et les seuils -, ainsi que les baignoires en marbre d'Arudy. Durant cette période, les maîtres d’œuvre et artisans du chantier provenant globalement de la localité comptent l'entrepreneur Charles Courrèges, le plâtrier Lubin, le carrier Jacques Laplace, les marbriers Antoine et Jean-Pierre Battault, les manœuvres Jean Madame et Victor Grousset, et le serrurier Jean-Baptiste Vandres, qui presque tous possèdent une maison dans la commune.
Dans les années 1870, la municipalité maintient l'exploitation en ferme de l'établissement thermal. L'appel à adjudication publié en 1875 implique non seulement la gestion des thermes mais aussi la construction d'un casino, équipement manquant à la station durant son âge d'or. Le bail est attribué pour une durée de 29 ans à la société Winceslas Chancerelle et Cie, basée à Quimper, qui entre rapidement en conflit avec la commune en raison des travaux de construction du casino. Outre l'affermage, la commune obtient en 1875 l'autorisation de vente d'eau en bouteille de toutes les sources d'Eaux-Bonnes. Leurs vertus sont vantées dans la presse thermale et les encarts publicitaires faisant l'éloge "d'un médicament de premier ordre" déposé dans l'ensemble des pharmacies locales.
En 1881, Gabarret dessine un jardin botanique pour le parvis situé entre la mairie et la Maison Tourné, sur la place des Thermes, où il implante notamment une pépinière d'essences "alpestres". La même année, est évoquée la transformation du premier étage du bâtiment néoclassique, autrefois affecté au logement du médecin thermal, remanié en salon de loisirs.
En 1885, alors que l'affaire du casino vient enfin de trouver une issue - judiciaire -, les thermes pâtissent de leur localisation au pied de la Butte au Trésor. Des dommages importants sont occasionnés par des éboulements sur la toiture. Quelques années plus tard, des travaux de décoration sont entrepris, en particulier dans le vestibule, que l'on dote de verrières conçues entre 1897 et 1904 par la fabrique tourangelle J.P. Florence et Cie, et le bureau de l'administration attenant dont le plafond est agrémenté de peintures néoclassiques.
Durant la Troisième République, l'établissement et la commune engagent une véritable politique de communication, par la publication d'encarts publicitaires dans la presse thermale ainsi que par la diffusion d'affiches, à l'instar de l'ensemble des stations de villégiatures balnéaires, thermales ou climatiques. La commune d'Eaux-Bonnes vante alors les propriétés de ses sources pour soigner les maladies des voies respiratoires.
Le déclin de l'activité thermale au 20e siècle
Un inventaire du mobilier et du matériel réalisé en 1908 montre que la commune se trouve alors en grande précarité et que le patrimoine thermal devient une charge toujours plus difficile à assumer. Elle ne parvient pas à rembourser ses emprunts, opérés systématiquement pour les investissements liés aux équipements thermaux, et subit une importante baisse de fréquentation, qui annonce un lent déclin tout au long du siècle. En 1910, la municipalité est alors autorisée à continuer l'affermage des thermes à condition que le concessionnaire verse une caution de 100.000 francs correspondant à la dette communale envers le Crédit Foncier.
Dans ce contexte, l'établissement thermal, vieillissant comme l'ensemble des équipements de la station, est remanié par l'architecte Jules Noutary entre 1916 et 1927 afin de raviver la dynamique sanitaire et économique locale. En plus des travaux d'entretien courants, Noutary procède à une extension supplémentaire unifiant les deux ailes du Second Empire. Mais la Seconde Guerre mondiale et la médicalisation de la cure thermale enrayent durablement la fréquentation de l'établissement, quand bien même la commune bénéficie de la fréquentation des enfants de l'Entraide sociale installée dans l'ancien Hôtel de la Paix à proximité des thermes.
La construction de l'audacieuse "bulle thermale" dans les années 2010
Face au déclin de la fréquentation thermale amorcé durant les Trente Glorieuses, la commune d'Eaux-Bonnes opte pour le pari d'une extension innovante proposant des prestations adaptées aux attentes de la société du 21e siècle. Elle décide donc de procéder à un agrandissement de l'établissement, afin de créer un espace thermoludique propice à l'étalement de la saisonnalité et la diversification des profils de baigneurs destiné, notamment, à attirer la clientèle de la station de ski de Gourette durant la saison hivernale.
Le concours d'architecte est remporté par Luc Demolombe, spécialisé dans la construction d'espaces thermoludiques, qui imagine une structure en bois et feuilles de plastique transparentes contrastant diamétralement avec le parti académique de l'établissement du 19e siècle.
Actif dans les Basses-Pyrénées, notamment aux Eaux-Bonnes et aux Eaux-Chaudes, dans la seconde moitié du 19e siècle.