Dossier d’œuvre architecture IA64001083 | Réalisé par ;
Rambert Christophe (Rédacteur)
Rambert Christophe

Documentaliste au sein du service patrimoine et Inventaire, site de Bordeaux.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • opération ponctuelle
Château d'Abbadia
Copyright
  • (c) Région Aquitaine - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Hendaye
  • Commune Hendaye

Les commanditaires

Situé sur les falaises spectaculaires de la corniche basque, entre Hendaye et Urrugne, le château d’Abbadia a été édifié à l’initiative du savant explorateur Antoine d’Abbadie (1810-1897). Né à Dublin en 1810 d’un père basque, émigré contre-révolutionnaire, et d’une mère irlandaise, d’Abbadie passa son enfance en Irlande avant que sa famille ne s’installât en France en 1818 durant la Restauration. Depuis toujours, d’Abbadie s’intéressa aux sciences et aux voyages. Il fut très tôt fasciné par la quête mythique des sources du Nil, à laquelle il se plaisait à rêver en lisant les récits de l’explorateur écossais James Bruce, découvreur de la source du Nil Bleu en 1770. Au sortir du collège et parallèlement à ses études de droit à la Sorbonne, il se lança donc dans la préparation d’une expédition très ambitieuse associant anthropologie, géographie, diplomatie et prosélytisme catholique vers les territoires où il pensait être nichée la source du fleuve Blanc, cours principal du Nil. De 1837 à 1848, aux côtés de son frère Arnauld, il sillonna l’Éthiopie dont il devint un expert éminent. Outre une masse incommensurable de matériaux ethnographiques, il dressa la première cartographie de la Haute-Éthiopie (1860-1873), rédigea le premier dictionnaire de traduction amharique-français rassemblant 15 000 mots (1881) et il amassa une précieuse collection de près de 300 manuscrits éthiopiens datant du Moyen Age jusqu’à l’époque contemporaine et conservés aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France. Persuadés d’avoir découvert la source du Nil Blanc, qu’ils avaient confondue avec celle du fleuve Omo, les frères d’Abbadie reçurent en 1850 la Grande Médaille d’Or de la Société de Géographie de Paris ainsi que la Légion d’Honneur pour services rendus au commerce et à la géographie. Deux ans plus tard, d’Abbadie était élu correspondant de l’Académie des sciences, dont il devint membre titulaire en 1867 à la nouvelle section de géographie et de navigation.Par ailleurs, le savant portait un second sacerdoce, celui de la culture de ses ancêtres paternels basques. Forcé de mettre entre parenthèses ses travaux sur la langue basque en raison de son voyage en Éthiopie, il s’investit fortement dès son retour dans le mécénat et la valorisation de cette culture. Fondateur de concours de poésie et de pelote à Urrugne en 1851, il fit de ces rencontres, baptisées les Jeux floraux (Lore jokoak), un rendez-vous traditionnel annuel glorifiant l’identité et l’âme euskaldun dans divers villages des deux versants des Pyrénées. Tant et si bien que ses congénères basques lui attribuèrent le doux pseudonyme de « Euskaldunen aita » (le Père des Basques) et lui décernèrent avec force émotion un makila d’honneur lors des fêtes de Saint-Jean-de-Luz en 1892. Sa passion pour la langue et la philologie basque le conduisirent en outre à rassembler une inédite collection d’ouvrages et de manuscrits, conservés de nos jours à la Bibliothèque nationale de France. Quant à ses activités scientifiques, elles furent facilitées par la construction de son observatoire où il pratiquait aussi bien l’astronomie que la géophysique à l’appui, notamment, d’instruments de son invention. La lunette méridienne qu’il commanda au constructeur Eichens et qui utilise le système de mesure décimal témoigne de sa pratique novatrice et de ses engagements scientifiques.Géographe, astronome, géophysicien, linguiste, juriste, philologue, ethnographe, d’Abbadie était un savant aux intérêts éclectiques mais complémentaires, qui visaient à enrichir la connaissance de l’Homme. Quoique d’un esprit nécessairement rationnel, il plaça sa vie entière, y compris sa pratique des sciences, sous l’égide de la foi chrétienne et des philosophies de saint Thomas d’Aquin et de saint Augustin d’Hippone. Cette ferveur catholique explique incontestablement son rôle fondateur dans la création de deux missions d’évangélisation en Éthiopie, terre que le Saint-Siège avait désertée depuis l’échec sanglant des Jésuites au XVIIe siècle. Pour son engagement aux côtés de l’Église de Rome, d’Abbadie fut nommé chevalier, en 1839, puis commandeur, en 1881, de l’Ordre de saint Grégoire le Grand. Aussi avait-il une vision très conservatrice de la société et de la politique qui devait la régir. Légitimiste convaincu, partisan de l’Ancien régime et ultramontain, il reconnaissait lui-même qu’il aurait été prêtre s’il n’avait fini par rencontrer, après moult difficultés, l’âme sœur. C’est en 1859, à l’issue d’une dizaine d’années de démarches matrimoniales, qu’il épousa Virginie Vincent de Saint-Bonnet (1828-1901), plus jeune de dix-huit ans et héritière de la haute-bourgeoisie et de l’aristocratie lyonnaises. Passionnée par les arts et le piano, la jeune femme avait grandi au château familial de Pollet, dans l’Ain. Elle partageait un grand nombre de points communs avec son prétendant, dont une vision austère des convenances, une exigeante appétence intellectuelle et un grand intérêt pour la découverte de l’étranger. Le couple partageait sa vie entre la capitale, sa villégiature de bord de mer et ses voyages, comme le voulait l’usage de la haute-société. Virginie d’Abbadie apprécia d’emblée le Pays basque, sa culture et son paysage, dont elle apprit la langue avec, selon son époux, un courage remarquable. Occupant les fonctions traditionnelles de maîtresse de maison et représentant son foyer dans les rendez-vous mondains, elle suivit son époux dans la plupart de ses grandes expéditions, qui l’amenèrent à visiter l’Allemagne, l’Algérie, et, à la fin de leur vie, Haïti ou encore l’Éthiopie et la Turquie. Digne femme d’explorateur, elle prenait part à une élite faite de relations familiales, de connaissances mondaines, de voyageurs et d’intellectuels.A ce titre, elle se lia d’amitié avec l’écrivain-navigateur Pierre Loti, qui considérait les d’Abbadie comme des « Basques renforcés » et ses « vieux amis du château ». Virginie est à l’origine de la passion du Pays basque emblématique du romancier. C’est Loti qui, de plus, immortalisa l’un des fidèles compagnons de Virginie, son cacatoès acariâtre Coco, en brossant d’elle le portrait d’une femme fantaisiste qu’elle n’était pas tant en réalité. Antoine et Virginie d’Abbadie, décédés respectivement en 1897 et 1901, choisirent d’être inhumés dans la crypte de la chapelle d’Abbadia, où leur sépulture dénuée de décors en appelle éloquemment à l’humilité de l’âme humaine.

Le chantier

Hormis ses activités scientifiques, qui occupaient certes une importante partie de sa vie, d’Abbadie était également un homme de la société mondaine, en charge du patrimoine familial depuis le décès de son père en 1832. A ce titre, il envisagea très tôt la construction d’une demeure digne de son rang social. Après avoir acquis le château d’Audaux, dans le Béarn, en 1833, puis la parcelle de Bordaberri à Urrugne en 1834, il délaissa son projet de résidence durant son exploration d’Éthiopie avant de s’y atteler concrètement à son retour. Aussi en 1852 était-il propriétaire de trois parcelles de la corniche basque – Bordaberri, Aragorri et Aguerria - qui allaient devenir, quarante ans plus tard, le cœur de son grand domaine d’Abbadia atteignant 415 hectares. A cette époque, il fit la connaissance du paysagiste Eugène Bühler, qui aménagea la propriété en suivant fidèlement ses évolutions et qui accompagna d’Abbadie dans sa réflexion sur ses projets d’habitation et d’observatoire. En 1856, d’Abbadie commanda au paysagiste la ferme Aragorri, noble chalet qui, avant de devenir les communs d’Abbadia, fut la résidence du savant durant le chantier de sa plus prestigieuse demeure. Priorité était désormais donnée à l’édification d’un observatoire astrogéophysique et de l’habitation, confiée dans un premier temps à l’architecte Clément Parent qui fut renvoyé en 1861 car il n’avait pas su cibler les attentes de d’Abbadie. Le savant fit néanmoins édifier l’observatoire de Parent, une grossière tour crénelée en maçonnerie et béton, finalement détruite en décembre 1874. Un second architecte, Auguste-Joseph Magne, fut alors sollicité par le savant basque afin de poursuivre le chantier. Mais, après trois ans d’une ambiance détestable et sans avoir mis un pied à Urrugne, c’est le maître d’œuvre qui jeta l’éponge du jour au lendemain au début de l’année 1864. Alors, d’Abbadie fit appel au chef de file du mouvement néogothique, Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, qui s’empara du projet avec une efficacité inégalée et produisit en quelques semaines plusieurs esquisses correspondant exactement à sa commande romantique. Puis il missionna sur le côte basque son fidèle collaborateur, Edmond Duthoit, issu d’une illustre dynastie de maîtres d’œuvre et d’artistes amiénois, formé à l’atelier Viollet-le-Duc et passionné par la Méditerranée orientale. La phase du gros œuvre s’échelonna de 1864 à 1869, date à laquelle on commença les sculptures d’ornement des façades. La décoration fut, pour sa part, pensée et exécutée entre 1867 et 1874, date à laquelle le couple d’Abbadie emménagea enfin dans l’habitation. Certains détails décoratifs de la chapelle étaient encore à achever. Mais surtout, l’observatoire de Parent fut entièrement démoli pour laisser place à un nouveau corps de bâtiment imaginé par Duthoit et plus en harmonie avec la chapelle et la demeure. Le château fut, en définitive, achevé en 1884 avec les sculptures ornementales du bestiaire de cet observatoire.Neuf ans plus tard, les d’Abbadie, très âgés, entamèrent les démarches de la donation de tout leur patrimoine à l’attention de l’Académie des sciences, car ils souhaitaient que les travaux scientifiques y soient poursuivis pour le bien commun et la connaissance universelle de l’Homme. La donation fut validée par le Conseil d’État puis votée par l’Académie des sciences entre 1895 et 1896, avec quelques clauses imprescriptibles, telles que l’interdiction de la vivisection et de la chasse, le devoir de décerner annuellement des prix dans le cadre de concours basques ou bien l’obligation de conserver un périmètre inconstructible autour du château afin de préserver les observations scientifiques. Une clause officieuse fut également émise et respectée par le donataire jusqu’à la fermeture de l’observatoire astronomique en 1975. D’Abbadie avait en effet informellement imposé que l’observatoire soit dirigé par un prêtre-astronome, car il souhaita, tout au long de sa vie, œuvrer pour le renouveau d’une science catholique. Le XXe siècle vit la vaste propriété de d’Abbadie progressivement morcelée, la plus grande partie de son reliquat, comptant environ 70 hectares, appartenant désormais au Conservatoire du Littoral, ce qui permet de conserver l’édifice au cœur de la cohésion entre patrimoine bâti et naturel qui en est l’essence. Tour à tour, le domaine fut exploité comme un golf dans les années 1920 et occupé par un centre de commandement de l’armée allemande durant la Seconde guerre mondiale. Mais il conserva son activité d’observatoire astronomique jusqu’en 1975 et sa fonction de villégiature pour les dirigeants de l’Académie des sciences jusqu’à l’ouverture au public en 1996. Reconnu pour son intérêt patrimonial incontestable, le château d’Abbadia a été classé au titre des Monuments Historiques en 1984, labellisé Maison des Illustres en 2012 et a fait l’objet d’une considérable campagne de restauration entre 1997 et 2008.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 19e siècle
  • Dates
    • 1864, daté par source
    • 1884, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Viollet-le-Duc Eugène-Emmanuel
      Viollet-le-Duc Eugène-Emmanuel

      De Viollet-le-Duc, le filtre de la mémoire collective a coutume de se souvenir des emblématiques chantiers de restauration, Notre-Dame de Paris, Carcassonne, Vézelay, Saint-Sernin et autres cathédrales. Or, son œuvre, ne se limitant pas à l'architecture religieuse gothique, s'avère en réalité bien complexe. Parmi ses projets d'architecte et ses publications de théoricien, il s'intéressa particulièrement au thème de l'habitation humaine. Aussi sa vision de l'architecture domestique se manifesta-t-elle diversement du point de vue stylistique, mais avec toujours un fil conducteur fondamental. Celui-ci est incarné par la quête de modernité nationaliste, fondée sur le savoir-faire et l'expérience de ses prédécesseurs.

      La théorie

      Du point de vue théorique, Viollet-le-Duc considérait, à l'instar de ses confrères, que l'architecture devait s'adapter au besoin de la société, au mode de vie des hommes. Pour cette raison, estimant le principe du château comme obsolète, son idéal d'habitation fut représenté par un hôtel particulier dans ses Entretiens sur l'architecture, publiés entre 1864 et 1872, avant de s'exprimer par la problématique plus démocratisable de la "maison". A partir des années 1870, ce thème fit d'ailleurs l'objet d'un volume de sa série éditoriale destinée initialement aux adolescents, intitulé Histoire d'une maison, où il exposa avec grande pédagogie la vie d'un chantier depuis la conception du plan jusqu'à son exécution.

      Traduisant les usages de toute une société, le plan revêt une dimension fondamentale dans sa conception architecturale qui se réclame du rationalisme. Viollet-le-Duc privilégie l'optimisation des espaces et de la circulation ainsi que l'économie du chantier et des déplacements humains. Ses théories érigent l'édifice et son ornementation en un ensemble homogène et un véritable organisme vivant où la présence de chaque élément s'explique par sa fonction, qu'il déduisait de ses observations de l'architecture gothique.

      Les chantiers

      Mais, s'il s'inspirait de l'esprit et du génie des constructions médiévales, cela n'impliquait pas nécessairement d'en reproduire absolument le style. Il n'est donc pas surprenant que son corpus d’œuvres domestiques se caractérise par sa diversité esthétique. En termes de restauration, Viollet-le-Duc fut missionné par Napoléon III à partir de 1858 sur le chantier colossal du château de Pierrefonds, qui devint un modèle d'architecture et de décoration néogothique, et ce malgré une frontière fluctuante souvent décriée entre restauration et création. Les milliers de dessins et de projets qu'il réalisa pour Pierrefonds inspirèrent ses autres chantiers néogothiques et ceux de ses disciples.

      Aussi, les restaurations des châteaux de Roquetaillade, en Gironde, et de Pupetières, en Isère, tout comme celles de la Flachère, dans le Rhône, ou de Montdardier, dans le Gard, s'inscrivent-elles dans les pas du chantier de Pierrefonds. L'architecte réhabilita ces édifices en associant la démarche archéologiste, fondée sur la recherche de vérité historique, et le parti pris créatif, appuyé sur l'hypothèse architecturale. En revanche, dans ces chantiers, comme dans de nombreuses restaurations privées, il confia la décoration à ses collaborateurs, en l'occurrence à Edmond Duthoit pour Roquetaillade et à Denis Darcy pour Pupetières.

      Mais "Viollet" sut s'affranchir des édifices gothiques, ce qui le conduisit, après la chute de Napoléon III, à prendre en charge la restauration du château d'Eu, demeure ancestrale de la famille d'Orléans. S'adaptant à la volonté de ses commanditaires, c'est un mélange de styles académiques, essentiellement Louis XV et Louis XVI, qu'il imagina pour cette demeure. D'ailleurs, le domaine de la création ex-nihilo fut plus facilement propice aux libertés esthétiques. Si le château d'Abbadia relève du style néogothique de Pierrefonds et de ses avatars, la maison Sabatier, dite "Le Prieuré", est un exemple manifeste du style néo-Louis XIII. Cette demeure située à quelques encablures de Pierrefonds fut construite selon un plan académique, voire palladien, vraisemblablement dû à l'influence de son commanditaire. La maison Jacquesson, hôtel particulier édifié à Châlons-sur-Marne, témoigne également de cette capacité à bâtir dans un style plus conventionnel.

      Quant à la maison individuelle, l'architecte en concrétisa ses idéaux avec la construction de sa résidence personnelle, le chalet La Vedette, bâti à Lausanne, où il s'installa pour se consacrer à la montagne durant les dernières années de sa vie. La Vedette montre bien cette volonté de s'adapter à l'environnement naturel et culturel du chantier, c'est-à-dire aux ressources matérielles, au paysage et à l'architecture traditionnelle.

      Enfin, Viollet-le-Duc s'intéressa également à la problématique de l'habitat collectif, impliquant immeubles de rapport ou à loyer. Exposés dans ses Entretiens sur l'architecture, ses principes sur la question furent appliqués dans ses édifications d'immeubles parisiens, dont les plus connus se situent rue de Douai, rue de Liège, rue Chauchat et rue Condorcet. Toujours fondés sur le principe constructif gothique, avec notamment une forte attention portée à la modénature, ces édifices s'éloignent manifestement de l'esthétique médiévale pour épouser davantage celle de leur environnement urbain haussmanien, rendue nécessaire par les codes d'urbanisme. Comme La Vedette, l'immeuble de la rue Condorcet était un projet personnel. Au dernier étage, il y aménagea son cabinet, ce qui explique la présence d'une sculpture de hibou grand duc, ornementant l'un des meneaux et se référant à l'identité de son propriétaire par un jeu d'homonymie bien connu.

      Le corpus civil de Viollet-le-Duc n'est pas encore connu en intégralité mais il ne fait aucun doute que son ampleur est considérable. Il ne se limite d'ailleurs pas aux constructions domestiques mais investit également, au moins en théorie, le domaine de l'architecture publique. Quant au style néogothique, viollet-le-ducien et autre, il ne fit pas de vieux os en France à partir du dernier quart du XIXe siècle, hormis quelques citations pittoresques dans les stations de villégiature. Toutefois, l'esprit rationaliste restauré et prôné par l'architecte perdura et fut érigé comme le fondement de la doctrine architecturale moderne voire révolutionnaire de l'Art nouveau.

      Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
      architecte attribution par source
    • Auteur : architecte attribution par source
    • Auteur :
      Bühler Eugène
      Bühler Eugène

      Eugène Bühler naquit en 1822 à Clamart. Fils d'un pépiniériste, il était issu d'une famille protestante suisse émigrée dans la région parisienne. Dans ses œuvres, il est difficilement dissociable de son frère aîné Denis (1811-1890), avec lequel il fut à l'origine, selon un récent inventaire, d'environ 120 parcs et jardins à travers la France. Il réalisa une multitude de parcs paysagers, publics ou privés : le parc d'Abbadia, celui du château Giscours à Labarde (Gironde) ou encore celui du château de Combourg en Normandie.

      Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
      architecte paysagiste attribution par source

Le château d’Abbadia est inscrit au cœur d’un spectaculaire domaine naturel, dernier poumon vert de la côte basque française. Cette immense propriété fut entièrement remaniée par Bühler qui lui offrit, grâce à la conjonction des massifs arborés, des sentiers et des prairies, une apparence illusoirement sauvage. Les aménagements paysagers s’articulaient ainsi avec les terres à vocation agricole exploitées par les métayers de d’Abbadie, lequel imposait sur sa propriété ses austères valeurs ultramontaines. Le paysagiste fit du futur château le point d’orgue de la propriété où la main de l’homme se faisait de plus en plus visible à mesure que l’on s’approchait de la demeure entourée d’un jardin à l’anglaise. C’est d’ailleurs lui qui, en concertation avec d’Abbadie, détermina la localisation et l’orientation de la demeure sur le point culminant du domaine. L’édifice est composé d’un plan en Y, abritant un soubassement de caves, des combles et deux niveaux d’habitation bourgeoise, au centre duquel se trouve le vestibule distribuant vers trois ailes thématiques. Les espaces ont en effet été regroupés selon leurs fonctions d’après les principes rationalistes et fonctionnalistes de l’architecture viollet-le-ducienne, ce qui en outre reflète bien l’organisation de la vie de la demeure. Tandis que l’aile Sud et le corps central sont dédiés aux mondanités et à l’accueil des invités, l’aile Est essentiellement composée de la chapelle est consacrée à la dévotion. Quant à l’aile Ouest et la bibliothèque, elles sont à l’évidence destinées aux activités scientifiques.

Le plan et les façades de l’édifice sont dus à Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc qui y conjugua ses principes rationalistes en s’inspirant de l’architecture gothique des XIIIe et XIVe siècles. C’est également Viollet-le-Duc qui imagina le bestiaire proéminent et fantastique du porche d’entrée, de l’escalier d’honneur et de l’abside de la chapelle. Duthoit, quant à lui, est à l’origine de l’observatoire astronomique et de son bestiaire non moins ostentatoire. Il assura en outre le suivi du chantier et conçut les décors et le mobilier de l’édifice en respectant toujours les principes et les modèles prônés par son mentor. Les décors et le mobilier témoignent du goût de l’éclectisme qui sans doute motiva Viollet-le-Duc dans le choix de son collaborateur sur ce chantier. Le fil conducteur y est incarné par le style néogothique globalement inspiré du XIVe siècle dans l’idée de produire une interdépendance entre architecture, décors et ameublement selon les principes médiévaux observés et revendiqués par Viollet-le-Duc. C’est pourquoi une caractéristique esthétique emblématique d’Abbadia est incontestablement le recours à la polychromie décorative, témoin de l’apport de la couleur et de la redécouverte des décors antiques au XIXe siècle. Les espaces intérieurs du château sont en effet principalement recouverts de peintures murales ou de tissus peints, pour la plupart inspirés des méthodes du Moyen Age. C’est par exemple le cas des scènes éthiopiennes du vestibule qui, pourtant, représentent des sujets exotiques et contemporains. Duthoit sut en outre y introduire subtilement les sources d’inspiration orientales si chères à d’Abbadie. En plus de la collection et des décors éthiopiens, il imagina des salles inspirées par l’imaginaire de l’Orient islamique, telles que le salon arabe, le fumoir persan de Virginie ou bien le fumoir mauresque. De plus, il parsema partout dans l’édifice des objets composant une véritable collection islamique composée de guéridons, tabourets et autres aiguières emblématiques. Quant au décor de la chapelle, destinée à accueillir tous les dimanches les métayers de d’Abbadie, il mêle les inspirations gothiques et byzantines, avec des références à la cathédrale de Monreale en Sicile ou à Notre-Dame de Paris.Les prolixes archives du château, totalisant environ 25 000 documents répartis en divers lieux de conservation, ont permis de mettre au jour la grande majorité des contributeurs du chantier. Ainsi, dépassant l’unique création d’un tandem d’architectes, les collections d’Abbadia rassemblent-elles des œuvres réalisées par de grands noms du marché de la construction du XIXe siècle : Maréchal de Metz pour les verrières historiées, Léon Parvillée pour les faïences orientales, mais aussi l’émailleur sur verre Philippe-Joseph Brocard, le peintre Adrien Guignet, la faïencerie de Gien, les orfèvres Poussielgue-Rusand et Chertier ou encore le sculpteur caricaturiste Dantan Jeune. Sans compter, également, des objets évoquant les pratiques naissantes du consumérisme et de l’industrialisation des arts, qui expliquent la présence de produits de série conçus par les firmes anglaises Simpson & Son et Hart, Son, Peard & Co., ou achetés dans les grands magasins tels que le Bon Marché ou les Grands magasins du Louvre. La démarche historiciste et éclectique présidant à la création d’Abbadia, anticipant les œuvres d’art totales répandues dans l’Art nouveau, ne l’empêche cependant pas d’être ancré manifestement dans les usages de son temps, ce que, d’ailleurs, revendiquaient ses architectes. La demeure, en effet, témoigne d’une certaine modernité, que ce soit par le style de certains éléments mobiliers, la recherche du fonctionnalisme et du confort ou les productions de série. Abbadia est en réalité moins un château qu’un hôtel particulier offrant l’illusion d’une demeure castellisée bel et bien contemporaine où les architectes ont su concentrer les habitudes de vie de leurs commanditaires réparties entre intimité, sciences et mondanités.

  • Murs
    • pierre pierre de taille parement
  • Toits
    ardoise
  • Couvrements
  • Couvertures
  • Escaliers
    • escalier intérieur
  • Techniques
    • peinture
    • sculpture
    • vitrail
  • Protections
    classé MH, 1984/12/21
    inscrit MH, 2012/07/06
  • Précisions sur la protection

    Les façades et toitures ; les pièces et leur décor : vestibule et cage d'escalier, couloirs sud et est du rez-de-chaussée, couloirs sud et est du premier étage, escalier de la tourelle Sud, salle à manger, chambre d'honneur, petit salon et son décor turc, grand salon et boudoir de style mauresque et sa coupole en carton bouilli, bibliothèque et ses rayonnages, chambres de Madame d'Abbadie, d'Ethiopie, de Jérusalem et de Napoléon III ; la chapelle (cad. AC 64) :

    classement par arrêté du 21 décembre 1984.

    Les parties non classées du château, son parc rapproché avec les anciens garages et la maison dite Aragorry, en totalité (cad. AC 60 à 68, 125, 128, 130) :

    inscription par arrêté du 6 juillet 2012

  • Référence MH